« Oui bonjour Madame, je vous appelle suite à votre
annonce d’assistante maternelle. Nous sommes très intéressés par votre
démarche. On ne connaît pas Pi…… enfin…
je sais même pas comment ça se prononce mais nous recherchons une éducation non
violente »
Désolée, Monsieur, normalement, sauf changement de dernière
minute, la place est prise ! Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas le
seul à ne pas connaître Pikler (sans vouloir citer de nom, je connais même des
puéricultrices qui ne savent pas qui c’est Pi…. Kler) Mais en tout cas, vous
n’aviez pas tord il s’agit bien en résumé d’une éducation non violente même si
on préfère parler ici de bientraitance.
Alors,
- pour vous (qui je l’espère avez trouvé une solution),
- pour tous ceux qui ne savent même pas comment cela se prononce,
- pour les parents de la mini-crevette que je vais accueillir prochainement (on dira que c’est une partie du livret d’accueil que je n’ai pas encore rédigé),
- pour moi histoire de me faire une petite révision puisque le dernier bébé accueilli ici a bientôt 2 ans ½ (il n’y a pas beaucoup de turnover chez Nounou Cathy),
voici comment se passe l’accueil d’un tout petit chez une assistante
maternelle qui a une approche éducative basée sur les travaux d’Emmi Pikler.
Je ne vous fais pas un cours d’histoire (vous trouverez ça,
ailleurs, mieux que je ne pourrais le faire), je vous rappelle simplement
quelques principes de base : quand
on travaille « à la Pikler » on sera très attaché :
-
à la motricité et à l’activité libre,
-
au bien-être corporel de l’enfant,
-
à la qualité du soin
-
à l’établissement d’une relation de
confiance entre l’enfant et l’adulte qui s’en occupe.
En clair maintenant. Quand une mini crevette arrive chez moi,
je vais tout d’abord apprendre à la connaître et à connaître ses besoins. Pour
cela je vais observer attentivement son comportement dans les moindres détails
afin de pouvoir interpréter ses demandes et répondre le mieux possible à ses
attentes.
Dans la journée lorsque ce bébé ne dormira pas, qu’il ne sera
pas en ballade, en train de manger, en « soin » ou dans les bras de
sa nounou il sera déposé au sol toujours à plat dos, sur un tapis assez rigide
(genre tapis de gym des écoles). Ce tapis sera recouvert d’un drap pour éviter
le contact avec le plastique qui pourrait sembler froid.
Des jeux seront
disposés tout autour du bébé, jamais donnés « de force » dans la
main. Ils seront choisis selon le développement de l’enfant en privilégiant la
simplicité. Au début ce sera souvent des objets de la vie courante reconvertis,
l’important étant la découverte de matières, de formes, de sensations et les
gestes qui en découleront. Il n’y aura pas de portiques qui peuvent agacés le
bébé car celui-ci ne peut ni attraper les jeux qui s’y trouvent, ni s’en
détourner puisqu’il est positionné dessous. Les jeux trop bruyants, ou trop
compliqués seront aussi bannis.
Le tapis en lui-même sera toujours positionné
dans le même endroit afin de donner des repères à l’enfant. Je le positionnerai
contre un mur qui pourra servir de « résistance » et d’appui lors des
premières tentatives de déplacements. Avec la permanence des lieux, sera aussi
instaurée une permanence des jouets, l’enfant devant retrouvé à chaque séance
de motricité les mêmes objets afin de pouvoir approfondir leurs utilisations.
Ils ne seront remplacés que lorsque j’aurai observé que l’enfant s’en
désintéresse.
Je n’interviendrai jamais pour modifier la position du bébé
sauf dans le cas où celui-ci sera dans une situation trop inconfortable comme
par exemple lors des premiers retournements sur le ventre, quand le bébé saura se mettre sur le ventre mais se
retrouvera coincé, sans savoir comment revenir dans la position initiale. Dans
ce cas je veillerai à ne jamais le soulever directement du tapis ; je
l’aiderai à repasser sur le dos, en l’accompagnant au niveau de son épaule.
Comme je l’aurai bien observé avant, je passerai toujours par l’épaule qui lui
aura servi à faire son retournement (chaque bébé a ses préférences au départ).
Si besoin je le prendrai alors dans mes bras en l’avertissant toujours de
l’acte que je vais réaliser. Sur ce tapis, l’enfant sera laissé pied nu afin
qu’il puisse utiliser ses pieds pour jouer et se déplacer. Il sentira
beaucoup mieux les appuis et, pas de panique, il ne fait jamais de températures
sibériennes chez nounou.
Je ferai attention à ce que sa tenue soit adaptée pour
que ses mouvements soient totalement libres. Ainsi je prendrai garde à ce que
ses mains et ses pieds soient toujours libérés en remontant les manches du pull
et les bas de pantalons. Le tapis de
motricité représentera le lieu de jeu principal du bébé, le transat quant à
lui, ne sera qu’un lieu de passage où l’enfant ne restera que de brefs
instants. Lorsqu’il sera capable de ramper (très rapidement quand on lui donne
l’occasion de se mouvoir), il se promènera comme bon lui semble dans la salle
de jeux. Il va de soi que l’enfant ne sera jamais assis ou même posé
directement sur le ventre tant qu’il ne sait pas le faire de lui-même. Un
youpala ? Heu… non merci, sans façon !!
Dessins tirés du livre "Se mouvoir en liberté dès le premier âge"
Les repas seront donnés sur mes genoux (pas de chaise haute
ou très peu) jusqu’à ce qu’il soit capable de s’asseoir seul. Je prendrai soin
de m’installer dans un coin tranquille, à l’écart de l’agitation. Je serai
indisponible pour les autres enfants accueillis pendant tout le temps du repas.
A moi donc d’anticiper ce qu’il pourrait se passer et faire en sorte de créer
les conditions pour ne pas être dérangée tout en continuant la surveillance.
Sauf si il dort (ou si ce n’est vraiment pas son heure) le bébé mangera
toujours avant les plus grands, ceci dans le but de ritualiser le repas et de
donner des repères dans le temps à tous les enfants présents (« J’ai faim
mais je patiente car je sais qu’après bébé, c’est mon tour »). La devise
du temps repas sera toujours : « pas une cuillère de moins que la
faim, pas une de plus que ce qui lui fait plaisir ».
Extrait du film "Une maison pour grandir" de Bernard Martino
Le moment du change sera toujours très important. Il ne sera
jamais (dans la mesure du possible) réalisé dans la précipitation. Les gestes
seront toujours lents, doux et effectués toujours dans le même ordre en
prévenant le bébé de ce que l’on va faire. J’essayerai de ne pas tirer sur les
jambes pour effectuer le change mais de faire rouler le bébé à partir de son
bassin, La manœuvre semble un peu délicate à effectuer mais elle permet de ne
pas créer de tensions dans les articulations, et comme elle est toujours
réalisée de la même façon, le bébé devient très vite actif pendant son change
et vous aide en accompagnant et en anticipant tous vos gestes. J’en profiterai
pour lui parler, beaucoup et toujours sans précipitation en tentant de
verbaliser les émotions de l’enfant. Lorsqu’il sera plus grand au moment de la
marche, l’enfant sera changé debout afin qu’il prenne encore plus part à son
propre développement. J’entends déjà les collègues dire que c’est trop
compliqué ; c’est juste une question d’habitude. Au départ, quand par
« l’odeur alléché » on suppute que le change va être très….. sportif,
on peut toujours se resservir de la table à langer en expliquant à l’enfant les
raisons de son choix. Il le comprendra très bien : « Nounouuuuuuuu,
Ja fais un caca de mammouth » !
Quoi dire de plus, sinon qu’une « Nounou Pikler »,
c’est une nounou comme les autres. Elle va au parc comme les autres, peut être
un peu plus que les autres parce qu’elle pense que les sorties quotidiennes
c’est bon pour la santé (une vraie nounou pikler, pure et dure, fera même faire la sieste dehors été comme
hiver ce que je ne peux matériellement pas faire personnellement) Elle fait
faire des « activités manuelles » comme les autres, peut être un peu
moins que les autres car elle est très attachée à l’activité libre ;
disons donc qu’elle sera plus « activités » que
« bricolages » ne perdant jamais de vue l’intérêt de l’enfant dans
tout cela. Elle se formera peut être un peu plus que les autres, ayant à cœur
de traquer toutes les « douces violences » quotidiennes dont elle
n’avait même pas conscience en débutant dans le métier.
J’imagine les assistantes maternelles en train de lire cet
article. Certaines vont se rendre compte qu’elles travaillent "à la Pikler" depuis
toujours, d’instinct, sans même le
savoir. D’autres vont se demander ce que c’est que ces pratiques bizarres (poser
un bébé par terre sans jamais l’aider à s’asseoir, à marcher ou même à attraper
un jouet, mais qu’est ce que c’est que ces idées barbares héritées du
communisme !!) A celles-là, je leur propose d’aller lire les autres
articles tagués « Pikler » de ce blog, notamment les comptes rendus de
réunions pour comprendre les raisons et les buts de cette approche de l’éducation.